samedi 12 décembre 2009

Les chansons

Lors de mes derniers têtes-à-tête avec elle, c'était fin novembre - début décembre 2006, j'ai fait le choix de m'assoir au chevet de Mali, ma grande (O combien grande) sœur, et de lui chanter mon répertoire de chansons.

Mais qu'était-ce donc ce répertoire? Tout simplement la guirlande de chansonnettes que j'avais pris l'habitude de fredonner à mes quatre enfants quand ils allaient se coucher. Tous plus ou moins du même âge, il y a quatre ans et demi entre mon ainée et ma petite benjamine, ils dormaient enfants dans la même chambre. Tous les soirs, sans exception, je chantais pour eux des morceaux choisis parmi les chants d'Eretz Israël, tout le répertoire de Naomi Shemer, les chansons folkloriques françaises que Geneviève et moi chantions à la maison, les petits morceaux d'opéra qui m'étaient restés dans la tête et quelques comptines et berceuses en hébreu. Et ainsi, ils s'endormaient ...

Je décidai donc de chanter tout cela à Mali, pour communiquer peut-être et puis aussi pour dissiper l'angoisse et la peur au ventre. Non, je n'avais pas trop réfléchi à l'époque à ce que je faisais. Il me semblait que simplement, je transportais mes berceuses quotidiennes, maternelles et confortantes, vers un moment précaire et provisoire où je voulais dire au revoir à ma sœur de la façon la plus authentique possible.

Je n'avais pas pensé au fait que six mois plus tard je deviendrais grand-mère. La première fois que je pris un petit-enfant dans mes bras ou me penchai sur son berceau pour l'endormir, je compris vite la drôle de situation dans laquelle je m'étais égarée. Impossible de chanter à mes petits-enfants le répertoire que j'avais engrangé dans ma tête pendant des décennies. Je fondais en larmes avant le 2e couplet, me revoyant encore la main de ma soeur dans la mienne à égrener mes chansons.

Alors il a fallu que je me rééduque ... que je transpose les couplets chantés à Mali, dans une réalité de nouveau changée et recréé, celle de ma vie de grand-mère. Mais malgré tout, quand je chante "Quand on est bien où l'on habite", c'est difficile de ne pas voir les cheveux noirs de ma sœur briller "aux clartés des étoiles".


Je crois entendre encore
Caché sous les palmiers
Sa voix tendre et sonore
Comme un chant de ramiers

O nuit enchanteresse
Divin ravissement
O souvenir charmant,
Folle ivresse, doux rêve!

Aux clartés des étoiles
Je crois encor la voir
Entr’ouvrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir

O nuit enchanteresse
Divin ravissement
O souvenir charmant
Folle ivresse, doux rêve!

Charmant Souvenir!

vendredi 11 décembre 2009

Quand on est bien ou l'on habite...

Quand on est bien ou l'on habite...

Et voici, grace aux talents d'archiviste de David Dahan qui m'avait passe ce fichier il y a un moment, une petite trouvaille: Albert et Mali Herzberg chantent "Quand on est bien" Appreciez les voix de ces deux jeunes maries! Ecoutez et laissez vos impressions en commentaires. En prime, pour ceux qui veulent chanter avec eux, voici les paroles de la chanson (ce n'etait pas une mince affaire que de trouver ces paroles, croyez le bien). La chanson telle que vous l'entenderrez et la version familliale, qui devie un peu de l'original.


LE BON VILLAGE
mi bémol - C. Boller

1.
Il faut quitter le bon village, de grand matin Dieu sait pourquoi
Il faut partir et c’est dommage, le soldat s’y trouvait chez soi, ah !
Il avait là bon feu, bon gîte, c’est tout ce qu’on peut exiger
Lorsqu’on est bien où l’on habite, il vaudrait mieux, il vaudrait mieux ne pas changer
Il avait là bon feu, bon gîte, c’est tout ce qu’on peut exiger
Lorsqu’on est bien, lorsqu’on est bien où l’on habite, il vaudrait mieux ne pas changer

2.
Au pas au pas dans le village, au pas pour la dernière fois
C’est l’ordre il faut plier bagage, voici l’auberge, adieu vieux toit, ah !
Le soir, héros infatigables, on pouvait rire ou songer
Lorsqu’on a bon vin sur la table, il vaudrait mieux, il vaudrait mieux ne pas changer
Le soir, héros infatigables, on y pouvait rire ou songer
Lorsqu’on a bon, lorsqu’on a bon vin sur la table, il vaudrait mieux ne pas changer

3.
Quitter les filles du village, ça rend certains tout malheureux
Ces émotions à notre âge, ça pourrait être dangereux, ah !
L’amour est une loterie, il est bien rare d’y gager
Lorsqu’on a une bonne amie, il vaudrait mieux, il vaudrait mieux ne pas changer
L’amour est une loterie, il est bien rare d’y gagner
Lorsqu’on a une bonne bonne bonne amie, il vaudrait mieux ne pas changer.

mercredi 9 décembre 2009

Trois ans deja

Aujourd'hui, ce 10 decembre 2009 c'est l'anniversaire du deces de Mali Herzberg d'apres la date hebraique (le yurtzeit). La date du calendrier classique est le 14 decembre. Quatre jours pour se souvenir, pour completer les 361 autres de l'annee ou ceux qui l'ont connu et aime pensent tres fort a celles qui les eclairait de sa presence.

En ce 10 decembre 2009 je suis a Vienne, en Autriche avec ma famille. Ma femme Debbie est en voyage au Liberia pour son travail. Comme le mien, c'est un travail qui essaie, meme si la cible n'est pas toujours atteinte (ou disons, pas atteinte en ligne toujours droite), d'ameliorer la condition du monde dans lequel vivent les plus demunis. Comme l'etait le travail de ma mere. Les valeurs qui l'ont pousse au travail social, a se devouer a ceux qui avaient moins qu'elle (de meme que Papa quand il etait visiteur de prison), sont les meme que nous essayons de transmettre a nos enfants.

Ils sont bien les heritiers de leurs mamie Mali, ces deux petits Anya et Samuel, qui du haut deleur 6 et 3 ans respectivement, obligent Debbie a prendre une valise en plus avec elle au Liberia pour doner leurs affaires aux enfants que connait Saah, le collegue de Debbie qui vit a Monrovia. Ils ont appris que ces enfants manquent de presque tout, comme bien du monde au Liberia.

Anya pose beaucoup de questions et apprend beaucoup. "Au Liberia il y a deux saisons. La saison des pluies et la saison du chaud" dit-elle. "Pour la saison des pluies il faut des bottes." Et voila que ses bottes passent de son placard a la valise de Debbie.

Samuel veut savoir si les enfants du Liberia ont des "stuffed animals" (des peluches). "Pas beaucoup" repond Debbie. Et voila Samuel qui va chercher son leopard et ses autres peluches, et hop - dans la valise, ou il tient aussi a mettre des livres, de habits etc.

Tout cela est tres concret pour lui et Anya. C'est difficile de comprendre si ce n'est qu'un jeu ou une realite pour eux deux. Mais ce qui est sur, c'est qu'il y a tres peu de temps entre la reflection et l'action. Entre ces deux moments, il y a encore a leurs ages tres peu de barrieres. "It's raining. They don't have shoes. I have my boots. Wait. Here are my boots for the Liberia suitcase".

Ce besoin de transformer la reflection sur les inegalites en action reflechie est plus visible chez Anya qui est plus grande.

Par exemple, je raconte a Anya qu'un ami a moi, S., va peut etre perdre son travail, faute de credits dans son ecole a Sarajevo pour continuer a entretenir une classe d'arts plastiques et de peinture (un copain peintre qui enseigne). La lumiere est etieinte et je divague sur les sujets que j'ai en tete pour les endormir. Samuel ronronne deja mais Anya reste attentive. "Is he poor?" demande-t-elle dans l'obscurite. Je reponds: "Not yet but if he looses his jobs and can't find another one, then he could become poor". "Mmmmh... Anya reflechit: "So he is almost-poor" dit-elle. "Why do they want to close his painting class" demande-t-elle. "Because the school has no money for the maintenance of that class" dis-je. Je complemente en disant "The heater is broken and they can't repair it and it is cold in winter, so the students cannot stay in that art class, and all the art material is expensive also and the school can't afford it any longer". Anya a l'air un peu decontenancee, ce qu'elle exprime par un "ah" suivi d'un long silence (tiens, elle dort enfin, me dis-je...). Mais j'ettends la couette qui bouge un peu. Finalement elle parle: "I know. Maybe you can give the school some money and they will repair the heater". Je lui dit que peut etre mais on peut pas donner beaucoup d'argent sur le long terme, ce qui est necessaire au maintien de la classe. La elle me cloue: "But then it's easy. Look. You can work a little more because you always get up late in the morning but if you get up more early then you will work more and then your boss will give you a little more money and then you can send that money to S. and he can give it to his boss at the school and they can buy some colors and brushes and paper and also they can buy a new heater and the children will not be cold in the class and S. will keep his job you see?" Bien sur elle ponctue le tout d'un "You see, it's easy, I told you".

Comme ne pas penser a ma mere en entendant ca?

Tout ca pour dire que rien ne se perd, rien ne se creer, tout se transforme. Et ma petite Anya et mon petit Samuel, ils sont bien parti pour reprendre le flambeau de leur Mamie, chevalier Bayard, championne du travail social s'il il en est, et scoute toujours prete a tout sacrifier pour la defense des moins chanceux, dans ce grand souci de Tzedaka, de la reparation des injustices sociales.

Etait-ce inne en elle, ou a cause de ses experiences d'enfant cachee, de son experience acquise aux E.I. et a Orsay, ou de ses engagements d'adulte, que Mali Herzberg, maman, mamie Mali, n'a jamais fait comme tant d'autre en grandissant, c'est a dire d'etablir ces barrieres entre la reflection et l'action, dont je parlais plus haut? Je suis son fils, et je ne cherche pas de reponse. J'ai simplement la fierte d'avoir ete eleve par une maman dont la generosite, l'emerveillement, le don de soi, etaient restes purs toute sa vie, pour le plus grand bien de ceux qu'elle a eclaire.